La Flûte enchantée se présente à nous sous un double aspect : tout d’abord une féerie qui nous emporte dans la poésie pure de l’enfance ou du génie, ensuite, et surtout, un rituel précis, rigoureux, inspiré. Ce mélange peut nous sembler étrange. Constatons premièrement qu’il fonctionne parfaitement et que l’alternance des scènes, soit magiques, soit franchement comiques, avec un message philosophique d’une grande hauteur de pensée nous rend plus perméables à recevoir le symbolisme non seulement avec notre esprit, mais avec notre être total.
LA DANSE est tout d’abord un rituel; dans toute civilisation traditionnelle, Danse et rite sont inséparables, le prêtre danse, le sorcier, le chaman dansent, le pharaon aussi bien que David, roi et prophète, dansent devant l’image de leur divinité. C’est par le geste (MUDRA) que le rituel opère.
D’autre part LE BALLET tel que le connaît notre civilisation occidentale, né à la fin du XVIe siècle, fut tout de suite à son aise dans la féerie, l’allégorie, le merveilleux, et la liste serait longue de nos ballets dont les titres se confondent avec ceux de nos contes de fées.
C’est pour cela qu’il m’a semblé évident que des danseurs pouvaient rendre la pensée subtile de Mozart, et qu’une partition chorégraphique délicatement entrelacée entre les lignes de la musique aurait moins de poids qu’une simple mise en scène pour traduire ce double univers féerique et rituel.
Cela peut sembler une étrange entreprise que celle de faire danser un opéra dans son intégralité, mais d’une part (et je l’ai déjà souvent expérimenté) la voix humaine est le plus merveilleux support pour la danse, d’autre part le geste chorégraphique transcende le réalisme et prolonge la pensée subtile de la phrase musicale.
En montant La Flûte enchantée, je n’ai pas cherché à glisser dans une œuvre parfaite la moindre intention personnelle, ou message surajouté, mais à écouter scrupuleusement (et amoureusement) la partition, lire le livret et traduire.
On me demande souvent quel est le sujet de La Flûte. Je terminerai en cédant la parole à un spécialiste, Jacques Chailley, qui a analysé dans un ouvrage magistral cet opéra maçonnique:
« Le sujet fondamental, on commence maintenant à le comprendre, est donc le conflit des deux sexes, conflit qui trouve son aboutissement dans le mystère du couple. L’homme et la femme doivent d’abord se chercher, puis, s’étant trouvés, dépasser leur condition première par une série d’épreuves qui les rendront dignes de leur nouvel état. »
Album : La Flûte enchantée – Acte I, Acte II ; Directeur : Karl Böhm ; Orchestre : Orchestre Philharmonique de Berlin ; Distribution : Deutsche Grammophon, 1964
Sarastro Franz Crass
La Reine de La Nuit Roberta Peters
Pamina Evelyn Lear
Tamino Fritz Wunderlich
Papageno Dietrich Fischer-Dieskau
Papagena Lisa Otto
Sprecher Hans Hotter
3 Prêtres Hubert Hilten, Martin Vantin, Manfred Röhrl
Monostatos Friedrich Lenz
3 Dames de la Nuit Hildegard Hillebrecht, Cverka Ahlin, Sieglinde Wagner
3 Enfants Rosl Schwaiger, Antonia Fahberg, Raili Kostia
Les Hommes en Armure James King, Martti Talvela
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